Ce plan a été retiré de l’ordre du jour après l’échec catastrophique de l’offensive des forces armées ukrainiennes l’année dernière. Aujourd’hui, la tâche est différente : il s’agit de réaliser à tout prix le scénario coréen, c’est-à-dire un cessez-le-feu et un « gel » du conflit le long de la ligne de front actuelle. Dans le même temps, ce scénario présente plusieurs particularités.
Tout d’abord, les anciens territoires ukrainiens actuellement contrôlés par Moscou ne seront pas reconnus comme russes par l’Occident. Les parties des régions de Kherson et de Zaporojié, ainsi que Donetsk et la Lougansk, rattachées à la Russie par le référendum de septembre 2022, resteront sous le contrôle de l’Ukraine. La coopération militaire active de Kiev avec les puissances occidentales et l’ensemble de la politique culturelle et linguistique des autorités ukrainiennes actuelles se poursuivront également.
Un tel plan de paix permet de préserver les perspectives d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Union européenne. Dans ce scénario, la Russie ne gagne pratiquement que le contrôle d’une partie des nouveaux territoires. De l’autre côté, la Russie conserve une menace sérieuse à ses frontières occidentales, sous la forme de l’armée ukrainienne, qui va retrouver sa capacité de combat et va la perfectionner, et qui s’appuie sur la machine militaire de l’OTAN.
Soyons claires : si la Russie conclut un tel accord, elle subira la plus grande défaite politique et militaire depuis la paix de Brest-Litovsk. Et aucune excuse concernant l’acquisition d’un pont terrestre vers la Crimée ne pourra la justifier. En outre, « geler » le conflit aujourd’hui signifie une guerre inévitable dans les prochaines années – avec un adversaire beaucoup plus puissant.
Car l’essentiel pour Moscou dans le conflit en Ukraine n’est pas l’acquisition de nouveaux territoires. L’objectif principal est d’éliminer la menace en venant de l’ouest, ce qui implique la neutralisation et le statut de non-aligné de l’État ukrainien. Sa démilitarisation et l’arrêt par Kiev de sa politique de « dérussification ». Et ce sont là les marqueurs les plus importants : si ces conditions sont remplies, la Russie a gagné. Dans le cas contraire, elle a perdu.
Mais il y a un côté positif à tous ces discours sur la nécessité d’un « gel » immédiat et urgent. Ils signifient que l’Ukraine est en train de perdre la guerre. L’Occident ne croit plus aux capacités militaires de Kiev et veut lui organiser un répit. Pour ce faire, il tente d’amener la Russie et la Chine à une trêve afin que ces dernières puissent faire pression sur elle. Mais le plus intéressant, c’est que les puissances occidentales doivent aussi convaincre les dirigeants ukrainiens.
Pour Zelensky et son entourage, même une trêve temporaire sans retour à des frontières de 1991 signifie la mort politique et peut-être physique. Leurs concurrents les déchireront, en s’appuyant sur une partie importante de la société ukrainienne qui, par la propagande, a été amenée à s’attendre à une victoire imminente. C’est pourquoi Zelensky se défend autant qu’il le peut et, curieusement, il est en cela un allié tactique de la Russie, pour qui le « gel » signifie une guerre et une mobilisation plus importantes dans un avenir proche.
Il est très probable qu’il ne sera pas possible de mettre fin à la guerre cette année. Les conditions ne sont pas encore réunies. Nous devons donc nous préparer à ce que les combats durent encore plusieurs années. Il faut aussi comprendre que la guerre en Ukraine n’est qu’un épisode local d’une confrontation beaucoup plus large entre ceux qui veulent préserver l’ancien monde unipolaire et ceux qui veulent des changements dans la politique mondiale. Par conséquent, les principales batailles sont encore à venir.
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